Malgré une croissance très rapide, le jeu service a rapidement généré une certaine méfiance du côté des joueurs en raison d'une pratique agressive en matière de micro-transactions.
Cette défiance est surtout née à la suite de plusieurs erreurs de communications qui ont perturbées la sortie de plusieurs jeux attendus comme par exemple Star Wars Battlefront II en 2017.
Le titre avait été épinglé en raison d'une utilisation abusive des "loot boxes" obligeant les développeurs à faire machine arrière.
Ces erreurs de communications sont justement au cœur de l'exemple ci-dessous consacré au jeu Avengers.
Avengers, un échec symbolique
En 2017, la signature d'un partenariat entre l'entreprise japonaise Square-Enix et la société Marvel pour créer plusieurs titres autour de leurs super-héros avait suscité beaucoup d'intérêt en raison du succès rencontrés par les films à cette période. Parmi les licences prévues en jeu, une seule avait retenue l'intention : Avengers.
En effet, pour les joueurs, avoir la possibilité de contrôler tous les super-héros de cette équipe était réjouissante mais tout ne se passera pas comme prévu lors de la sortie du titre. Si la stratégie marketing est importante, la communication l'est également et c'est précisément ce point qui a porté préjudice au projet.
2019 : une communication qui ne passe pas auprès des joueurs
Deux ans après son annonce, Avengers fut présenté lors de l'E3, le grand salon américain autour du jeu vidéo et la présentation n'a pas eu l'effet escompté pour l'éditeur japonais souhaitant capitaliser sur le succès d'Endgame qui venait de dépasser Avatar au box-office.
La raison ? la structure du jeu qui reprenait les codes du jeu service sans le dire explicitement.
Cette défiance des joueurs est d'autant plus forte qu'elle survient quelques mois après la sortie d'un autre titre qui avait été présenté comme un jeu solo et qui était en réalité un jeu service. Cette mauvaise communication a eu raison du projet mais surtout des joueurs.
Initialement prévu pour mai 2020, Avengers avait été repoussé au mois de septembre officiellement à cause de l'épidémie de covid 19.
2020 : une sortie chaotique
"Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités" cette célèbre citation de l'oncle Ben de Spider-Man peut s'appliquer dans la communication d'une entreprise. Pour les développeurs du jeu, les ennuis ont véritablement commencé lors de la sortie du jeu le 4 septembre 2020.
Tout d'abord, le contenu de base du jeu était très faible et ce ne sont pas les contenus supplémentaires qui ont incité les joueurs à investir. 1 mois après sa sortie, le constat est sans appel : les joueurs ont déserté les serveurs comme en témoigne les chiffres communiqués par la plateforme Steam où à peine 1000 joueurs étaient actifs.
Ces chiffres catastrophiques sont une très mauvaise nouvelle puisque Avengers avait été pensé comme une expérience à vivre en ligne. Ce premier écueil obligera les développeurs à produire du contenu supplémentaire afin de susciter de l'interêt pour les joueurs.
Cette décision ne fut pas sans conséquences puisque cela a repoussé la sortie des versions Playstation 5 et Xbox Series qui venaient de sortir à la fin de l'année 2020. L'arrivée d'une extension importante début 2021 relancera en partie l'intérêt des joueurs, le calme avant la tempête ?
2022 : Square-Enix vend ses studios occidentaux, la cerise sur le gâteau
Malgré les moyens mis en œuvre, Avengers est un échec cuisant et c'est ce qui a poussé Square-Enix a vendre ses studios européens en raison des pertes accumulées. Le 2 mai 2022, l'entreprise japonaise annonce à la surprise générale la vente des studios au groupe suédois Embracer prenant tout le monde de court.
Selon les analystes de MST Financial, cette décision a été prise parce que Square-Enix aurait perdu 200 millions de dollars en raison de l'échec de son partenariat avec Marvel. C'est assez ironique puisque l'éditeur japonais résulte d'une fusion survenue en 2003 à la suite de l'echec d'un projet coûteux (le film Final Fantasy Les Créatures de l'Esprit).
L'annonce de la vente a été le dernier clou sur le cercueil d'un jeu qui n'aura jamais trouvé son public malgré la production de contenu susceptible de les faire rester. Cette triste fin a été confirmée le 20 janvier 2023 avec l'annonce officielle de la fin des mises à jour régulière.
Un genre toujours soutenu malgré les arrêts
Malgré la défiance des joueurs, les éditeurs n'ont pas prévu d'abandonner le genre, bien au contraire puisque de nombreux projets de ce type sont prévus notamment chez Sony qui en a prévu 10 jusqu'en 2026.
Toutefois, cette politique semble malgré tout avoir atteint ses limites puisque de nombreux jeux services vont s'arrêter prochainement en plus d'Avengers. Dernièrement, ce sont des titres comme Back 4 Blood et Knockout City qui vont s'arrêter après 1 an et demi d'existence.
L'échec du jeu Avengers a également laissé des traces puisqu'il y a quelques jours, la présentation du jeu Suicide Squad a été reçu tièdement par les joueurs. Le titre repose sur un concept similaire avec des actions répétitives et des micro-transactions accessoires.
Ces annonces posent la question de la viabilité du jeu service sur le long terme et cela rend ce format beaucoup plus éphémère. Ce dernier point est particulièrement vrai puisque la sortie du jeu Overwatch 2 (Activision-Blizzard) s'est accompagné par l'arrêt total des serveurs après 6 années de joutes ininterrompues.
De même, la question de la rentabilité de ces titres est à étudier en raison de coûts de développements très importants. Un échec peut poser des problèmes de trésorerie à l'image de ce qui s'est produit avec le jeu Avengers.
Cependant, affirmer que le genre est forcément condamné à mourir serait une erreur : certains titres ont pu y trouver un avantage en changeant de modèle économique.
C'est le cas du jeu Destiny 2, qui a revu son positionnement pour en devenir un. Grâce à une combinaison de contenu de qualité et des micro-transactions plus transparente, les joueurs sont revenu après avoir désertés les serveurs.
Bilan
Si l'on se focalise d'un point de vue marketing, le jeu service offre des opportunités importantes pour les éditeurs dans leur manière de fédérer des communautés tout en leur garantissant une expérience personnalisée. Combiner les micro-transactions du mobile avec les codes du jeu en réseau ont permis de multiplier les points de contacts pour créer de la rétention.
Néanmoins, son contenu pas toujours qualitatif et chronophage séduit de moins en moins les joueurs car ils ressentent une certaine défiance vis à vis de certains éditeurs qui ont eu la main lourde sur les micro-transactions en déguisant en jeu service leurs modes de jeu en ligne.
Dans le rapport aux jeux services, une "fracture générationnelle" peut être constatée : les joueurs habitués aux jeux narratifs ou à des expériences en solo sont assez hermétique à ce type de jeu ce qui n'est pas le cas de ceux qui jouent déjà en réseau.
Cette fracture se renforce lorsque l'on regarde la durée d'exploitation des titres bien plus courte qu'un jeu classique même si Fortnite ou PUBG font office d'exception.
En se réinventant, le jeu service pose les fondations d'un monde virtuel où la publicité permet aux marques de s'approprier les codes du gaming pour toucher un nouveau public.
Cette notion de monde virtuel est importante à l'heure où le metaverse prend de plus en plus d'ampleur.
La suite au prochain épisode...