Jeu service #1 : quand stratégie marketing et jeu vidéo fusionnent !

Véritable tendance marketing dans le secteur du jeu vidéo, le jeu service est une manne financière importante pour les éditeurs. Il a pris différente forme ces dernière années : DLC, Season Pass, achats intégrés sur mobile etc. Comment en est-on arrivé là ? Reddeo mène l'enquête.

Qu'est-ce qu'un jeu service ?

Pour cette première enquête, Reddeo explore le monde merveilleux des jeux-vidéos. Un choix mûrement réfléchi car il coïncide avec la publicitation du baromètre 2022 du numérique par le Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie (Crédoc).

Cette étude, réalisée pour l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) mesure le taux d'équipements numérique dans les foyers français. En témoigne ce chiffre clé : 62% des français jouent à des jeux vidéo.

Ce résultat n'est guère surprenant dans la mesure où ce secteur est le plus lucratif des divertissements loin devant la musique et le cinéma.

Si de nombreuses stratégies marketing ont fait leur preuve pour fidéliser les clients et éviter qu'ils ne partent à la concurrence, certains secteurs ont décidé de s'y mettre pour créer de la rétention et éviter les départs. C'est le cas notamment du secteur du gaming qui a adopté cette stratégie en produisant différents contenus susceptibles de retenir les joueurs et c'est pour cette raison que l'on parle aujourd'hui de "jeu-service" (ou game as service en anglais).

Le but des éditeurs est effectivement de produire du contenu (nouveaux personnages, nouvelle campagne scénarisée, objets à débloquer etc.) capable de faire rester les joueurs sur le long terme et cette tendance a évoluée avec le temps créant in fine de nombreux modèles économiques différents.

Cependant, la notion de jeu service est assez complexe car elle englobe de nombreux modèles différents présentés ci-dessous avant de devenir un genre à part entière à partir de 2017.

C'est justement ce genre qui semble lasser les joueurs aujourd'hui et les raisons en sont multiples.

Chercher une explication avant de connaître tous les faits est une erreur capitale. Le jugement s'en trouve faussé.

Sherlock Holmes, une étude en rouge (Arthur Conan Doyle)

Les jeux en ligne massivement multijoueurs : un modèle qui perdure

Dans les années 2000, le développement d'internet et l'arrivée du haut-débit ont vu émerger un nouveau type de jeu sur le marché : le jeu en ligne massivement multijoueur (plus couramment appelé MMO) ouvrant la voie à l'apparition d'un abonnement pour jouer. Ces jeux reposent également sur la notion de communauté.

Le cas le plus emblématique est évidemment World of Warcraft (WOW) qui a vu sa formule évoluer depuis sa sortie en 2004 passant d'un modèle de carte prépayée et d'un abonnement mensuel à un modèle free to play aujourd'hui.

Pour tenir en haleine les joueurs sur la durée, les éditeurs ont fait le choix d'opter pour la sortie d'extensions rajoutant des heures de contenus supplémentaires et de nouvelles fonctionnalités. C'est une très bonne nouvelle pour les habitués qui peuvent poursuivre leur partie et c'est un moyen pour les nouveaux venus de rejoindre la communauté.

Malgré le poids des années et une érosion logique des abonnés du fait de ses 19 années d'existence, WOW reste toujours le MMO le plus populaire avec 2 millions de joueurs actifs et a connu 9 extensions depuis sa sortie. Le groupe Activision-Blizzard a su s'adapter en changeant de modèle économique pour conquérir un nouveau public tout en pérennisant le service.

DLC et Season Pass : une autre manière d'ajouter du contenu

Dans la seconde moitié des années 2000, le jeu vidéo a poursuivi sa mutation en devenant davantage connecté. La connexion internet est devenue une condition sine qua non pour faire les mises à jour de sa console de jeu ou de son ordinateur et le jeu en ligne a pris une place prépondérante dans les habitudes des joueurs.

Ces nouvelles habitudes ont permis l'émergence d'un modèle économique encore appliqué aujourd'hui : le DLC (Downloadable Content). Il s'agit d'un contenu additionnel accessible sur une marketplace qui peut être gratuit ou payant servant non seulement à prolonger la partie du joueur mais aussi à le fidéliser avec un contenu "premium".

Les éditeurs ont très rapidement adopté ce modèle en élaborant des contenus de plus en plus complexes afin de retenir les joueurs le plus longtemps possible et c'est ainsi qu'à partir de 2012 les Season Pass sont nés.

Le season Pass regroupe plusieurs DLC qui suivent un calendrier de publication très précis. Généralement, ces derniers sont pensés en amont dès la conception du jeu et font partie de la stratégie de contenu visant à alimenter ce dernier pour que les joueurs puissent en bénéficier dès leurs sorties et sont souvent mis en avant dans la communication des titres.

Contrairement aux DLC, le season pass est payant et son prix peut être plus élevé que les contenus vendus séparément avec une différence selon les éditeurs et les contenus proposés.

D'abord réticents, les joueurs ont fini par adopter ce modèle en raison de la qualité des contenus proposés qui s'est grandement amélioré et surtout parce que sur les marketplace, des promotions sont régulièrement proposées.

Selon Statista, lors du 4e trimestre 2020, les joueurs sur console de salon sont ceux qui ont acheté le plus de DLC au cours des 12 derniers mois. D'une manière générale, 27 % des joueurs console ont déclaré acheter des DLC pour un jeu vidéo contre 20% sur PC.

Avec des temps de développements plus longs et plus complexes, les éditeurs ont revu l'élaboration des season pass afin d'étirer au maximum l'exploitation des contenus. Aujourd'hui, il n'est plus rare d'en voir plusieurs qui sortent tous les ans.

Cette démarche n'est pas toujours bien perçue par les joueurs qui ont non seulement payé le jeu au prix fort et dépensés beaucoup d'argent dans le premier season pass.

Les micro-transactions sur mobile : l'argent au détriment des contenus

Avec l'arrivé des smartphone, les micro-transactions sont devenu légions que ce soit dans des applications ou bien pour des jeux mobiles. C'est le cas notamment du jeu Candy Crush Saga qui est toujours aussi populaire depuis sa sortie en 2012.

Ce jeu est bâti sur un modèle freemium, c'est-à-dire que son téléchargement est gratuit mais payer vous donne accès à des options supplémentaires. Dans le cas de Candy Crush Saga, il s'agit essentiellement de vies supplémentaires et d'ajouts mineurs.

Depuis 10 ans, le jeu développé par King est un immense succès à l'image de ces 3 chiffres clés :

  • 3 milliards de téléchargements depuis sa sortie
  • 240 millions de joueurs réguliers
  • En 2016, le groupe Activision-Blizzard a fait l'acquisition de King pour la somme de 70 milliards de dollars.

Les micro-transactions jouent un rôle important pour les équipes marketing puisqu'elles permettent de diffuser de la publicité et déclencher des comportements d'achats.

Toutefois, contrairement à ce qui a été démontré précédemment, sur mobile le contenu est relégué au second plan au détriment d'une application de la stratégie marketing qui a fait ses preuves.

En effet, le marché est aujourd'hui très concurrentiel au point que certaines entreprise comme Electronic Arts renoncent à certains projets comme ce fut le cas avec Apex Legends Mobile.

Le jeu multijoueur a été arrêté au bout d'un an faute d'avoir pu garder les joueurs occasionnels. Cette décision, loin d'être un cas isolé pose la question de la viabilité des projets sur le long terme à l'heure où le taux de pénétration des smartphone progresse. Le baromètre 2022 du numérique va également dans ce sens puisque 87% des français possèdent un smartphone.

Cette viabilité se pose de plus en plus dans les jeux vidéos puisqu'à partir de 2017, le jeu service est devenu un genre à part entière.